
En hommage à Roger Cosson
Roger Cosson président honoraire et ancien skipper de l’association NAV35, nous a quittés le 29 mars 2020.
Scène imaginaire où Roger quitte le bord de son bateau pour la dernière fois.
Le vieil homme et le bateau
Le port ressemblait à une sorte de dortoir à bateaux, tous bien rangés dans leurs logement dont sortait parfois l’un deux pour se diriger vers le large. Les goélands se laissaient porter nonchalamment par le vent puis, d’un coup d’aile, décidaient de faire un tour en mer faire leur marché aux poissons.
Un jour ordinaire.
A l’emplacement du voilier « La grande Cosse », on entendait le grincement des pare-battes coincés entre le ponton et la coque du bateau. Les haussières se tendaient au rythme de la faible houle du port. Tout était propre, rangé et en place sur le pont. Au sommet du mat, l’anémomètre tournait doucement. Le voilier semblait désert, pourtant l’accès au carré ouvert démontrait le contraire.
A l’intérieur, un vieil homme était assis, méditatif. Il pensait à ces temps heureux qu’il avait passés à bord. Il revoyait les équipages réunis autour de la table du carré à l’abri d’un port après avoir bien navigué, verres à la main, racontant leurs histoires, histoires de mer, de coups de vent, d’émerveillement devant le spectacle permanent joué par la mer et le ciel, avec parfois des rencontres magiques de groupes de dauphins venus leur tenir compagnie un moment…On discutait des mouillages, de la dernière arrivée mouvementée dans un petit port de la côte et de la poésie des îles…
Il entendait leurs voix reprendre le refrain de sa chanson fétiche « Ah les p’tits potes, potes, potes ! »
Il se revoyait, penché sur la table à carte faire le point, prévoir la route, écouter la météo marine, expliquer les manœuvres aux nouveaux équipiers.
Son bateau en avait fait des miles, sa carène caressée par les vagues ou luttant au près serré avec elles dans les gerbes d’embruns qui obligeaient son équipage sur le pont à endurer des douches froides parfois des heures ! L’arrivée au port n’en était que meilleure !
Il se releva, dépliant sa grande carcasse dont la maladie en avait diminué la vigueur malgré un combat journalier et son moral de sportif. Mais il savait que le temps jouait contre lui et que, désormais, il ne pouvait plus être le chef de bord qu’il avait été.
Il regagna le cockpit et remis en place la fermeture de la descente dans le carré pour la dernière fois puis alla s’asseoir à la place du barreur qu’il avait tant tenue. Il saisit la barre quasi amoureusement, en caressa le bois patiné par tant d’années de contact. Elle avait toujours obéi avec précision et souplesse à la main ferme du barreur.
Un sentiment d’abandon, la sourde douleur d’une séparation définitive.
Sa décision avait été prise. Celle-ci n’avait pas été facile, mais, homme de mer, il acceptait sans faiblir le destin inéluctable.
Il avait vendu son bateau.
Il quitta le bord et s’éloigna sur le ponton sans se retourner.
A Nantes, ce 19 janvier 2021, Alain Nouailhat
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